Enseigner autrement: une nécessité? — Doyenné Haubourdin Weppes

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Enseigner autrement: une nécessité?

Pour cette première soirée d’un nouveau cycle consacré à l’Education, le groupe « Débats en Weppes » a invité Jean-Charles CAILLIEZ, vice-président Innovation et Développement de la Catho Lille, pour nous entretenir des nouvelles méthodes pédagogiques. En effet, passionné par son métier d’enseignant, il tente des expériences originales comme celle qui est devenue sa spécialité : « la classe inversée ».

             La classe inversée : comment est né ce concept ? Il y a quatre ans, lors de la rentrée universitaire, J Ch CAILLIEZ a surpris ses étudiants lors du premier cours, leur posant cette question : « Avez-vous envie de suivre un cours habituel ou de tenter autre chose ? ». Explicitant cette proposition, il leur dévoile que, dorénavant, « vous faites tout et, moi, le professeur, je ne fais plus rien ». Plus précisément, il leur demande de préparer les cours par eux-mêmes et d’effectuer les devoirs pendant les heures de cours ; de plus, ils prennent en charge les corrections. En résumé : c’est le « Do it yourself ». Voilà de quoi déstabiliser les nouveaux étudiants, en particulier les plus brillants, à l’aise avec les cours magistraux habituels.

            En pratique, comment ça se met en place ? Dans un même local, les étudiants sont répartis en groupes de 5 ou 6, les plus hétérogènes possibles et sans affinités trop grandes. Chaque groupe s’organise comme ses membres le décident, se répartissant les taches, organisant leur planning et leur temps de travail. Une règle de base doit être respectée : tous doivent être strictement à l’heure pour commencer la séance de travail. Le concept fait penser à une petite entreprise où chaque membre est solidaire de l’équipe et participe au travail et aux résultats. C’est un bon apprentissage de l’entraide et de la responsabilité.

            Parmi les collègues de travail de J Ch CAILLIEZ, il y eut quelques critiques et beaucoup de scepticisme… avec des « oui, mais… ». « Pour innover, il faut sortir de sa zone de confort, prendre des risques et explorer de nouveaux territoires… » commente notre professeur expérimentateur. Il ne faut jamais avoir peur de tenter quelque chose. Au passage, il souligne comment passer de la créativité (avoir des idées) à l’innovation (mettre en œuvre, expérimenter, créer de la valeur ajoutée). En résumé, « l’innovation, c’est une désobéissance qui réussit ».  

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            Pour mieux comprendre, entrons dans quelques techniques utilisées par les groupes de travail :

-       Les élèves font un gros travail de recherche sur Internet, ils apprennent à se répartir les tâches, à trier les informations pour ne conserver que les plus pertinentes. Chaque groupe élabore un seul document (commun à tous) qui s’enrichit progressivement, fruit du travail de chacun. Conséquence : tous les membres du groupe ont la même note…avec la possibilité d’obtenir des « bonus » individuels (pertinence des apports, des remarques…). C’est une notation dynamique, qui tire vers le haut ; il n’y a jamais de malus. Il y a même le rétablissement de « bons points » essentiellement collectifs, rarement individuels…C’est le travail d’équipe qui est récompensé.

-       J Ch CAILLIEZ nous fait entrevoir quelques outils pédagogiques : Les dessins muraux, les tableaux tournants, le Karaoké… Ces techniques permettent à chacun d’être co-créateur d’un travail  commencé par un autre groupe. Pour continuer le travail, il faut avoir bien assimilé la base proposée par l’étudiant ou le groupe qui précédait. Encore une fois, le résultat final est la synthèse des apports d’un maximum de personnes. Il faut négocier, argumenter, convaincre pour faire avancer le projet commun. Il en ressort que le niveau de compréhension de l’ensemble des étudiants est plus homogène, chacun ayant participé à la construction du résultat.

Ce travail en commun est particulièrement formateur car utilisable pour chaque étudiant dans l’entreprise demain, dans la vie associative…etc

            -    La salle de cours est ouverte à tous. D’abord, les étudiants peuvent entrer et sortir en fonction de leur choix d’organisation de travail. D’autres professeurs, des personnes du monde de l’entreprise s’invitent pour s’initier à la méthode… Conséquence : mixer les profs qui ont envie de faire quelque chose ensemble (transdisciplinarité !). La « classe inversée » génère des réunions, des ateliers d’innovations pédagogiques réunissant des gens d’origines différentes (prof d’université, prof de classe prépa, industrie). La méthode fait tache d’huile.

            Il reste une question : A quoi sert donc le professeur ?

                 Il reste l’animateur du groupe, veillant à la cohérence du travail par rapport aux objectifs pédagogiques.

                 Il décèle plus facilement les bases non assimilées par un ou plusieurs groupes. Il devient alors facile de  reprendre un élément de cours magistral, pendant un temps très court, ce qui entraine une attention accrue des étudiants. En effet, dans un cours classique, il est impossible de capter en permanence l’attention de tous…il y a beaucoup de « perte en ligne ».

                 En certaines circonstances, il devient l’élève des groupes qui ont préparé le cours. Ainsi il est amené à « passer un examen », à répondre aux questions préparées par les élèves (QCM)…excellente manière de juger de leur assimilation des connaissances. En effet, les élèves doivent le corriger en indiquant et en explicitant la ou les réponses pertinentes. 

            Après plusieurs années de pratique, comment analyser les premiers résultats de cette pédagogie ? Que faut-il retenir ?

-       Cette innovation pédagogique ne « ringardise » pas les méthodes classiques d’enseignement, elle est complémentaire. Il faut savoir l’articuler avec l’enseignement traditionnel.

-       Plus qu’une expérimentation, la « Classe inversée » prépare à la prise de responsabilités, au travail en commun où chacun assume son rôle. Très souvent, dans l’entreprise ou dans la vie sociale et associative, c’est le travail d’équipe qui entraine les meilleurs résultats.

-       En définitive, cette manière de « monter » des projets ensemble est basée sur la confiance. « Faire confiance au autres » n’est pas inné ou facile, ça s’apprend et se cultive.