Quelle Europe voulons-nous pour demain ? — Doyenné Haubourdin Weppes

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Quelle Europe voulons-nous pour demain ?

Compte rendu de la rencontre du 28 mars avec Mgr Antoine HEROUARD sur l’Europe

Nous sommes plus d’une centaine pour recevoir Mgr Hérouard qui vient non pas tant comme évêque auxiliaire de notre diocèse, mais comme expert de la connaissance de l’Union Européenne. Il représente en effet l’épiscopat français à la COMECE dans laquelle il préside la commission sociale. La COMECE réunit les représentants des épiscopats de l’Europe à Bruxelles et elle est reconnue comme représentant qualifié de l’Eglise Catholique par les instances européennes.

L’Europe n’a pas bonne presse en ce moment pour différentes raisons :

 - Elle est ressentie comme une technocratie préoccupée de règles, mais qui évite les questions difficiles telle celle des migrations.
 - La montée des populismes qui fait remonter les égoïsmes nationaux (ce qui réussit, c’est grâce à nous, ce qui échoue c’est l’Europe !!!) et aussi le clivage est/ouest.
 - Des questions mal posées par l’Europe : la défense, le désengagement des USA, l’attitude vis-à-vis de la Chine,
 - Le Brexit, premier départ sans solution apparente (troisième vote en perspective !)
 - Les questions sociales abordées avec des visions et des besoins différents….

Ces questions sont politiques : pourquoi l’Eglise s’y intéresse-t-elle ? Parce que son principal objectif est de promouvoir la paix. Or on pense que la question ne se pose plus alors que la guerre est même à nos frontières par exemple en Ukraine et un peu partout dans le monde. Cet objectif de paix était celui des Pères fondateurs (voir la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950 qui évoque la paix en Europe, mais aussi la contribution de l’Europe à la paix dans le monde) et il s’est encore manifesté après la chute du mur en 1989 en accueillant (sans conditions)  les pays de l’Europe de l’est.

Les fondateurs savaient que l’Europe ne se ferait pas d’un coup ni dans tous les domaines. Ils ont choisi de mettre en œuvre des réalisations concrètes qui créeraient une solidarité de fait ! Le premier pas proposé est une réconciliation Franco Allemande marquée par la création de la communauté européenne du charbon et de l’acier-CECA- qui couvre à l’époque les industries d’armement… Notons que cette démarche est à ce jour un cas unique au monde…. Où en est-on aujourd’hui ? Des avancées importantes par la libre circulation des biens et des personnes, mais où en est le sens, l’âme ? Les Chrétiens y auraient-ils une responsabilité particulière ?

L’Eglise est toujours intéressée par la construction de l’Europe et les papes l’ont régulièrement soutenue et incitée à progresser vers une union plus solide. Tel fut le cas de Jean Paul II qui insistait sur l’importance de rassembler l’Est et l’Ouest (« les deux poumons de l’Europe ») et plus récemment François. Jean Paul II a en particulier publié en 2003, à la suite d’un synode européen, une exhortation apostolique intitulée « l’Eglise en Europe ». Il y évoque évidemment les questions d’évangélisation, mais aussi dans les paragraphes 108 et suivants des questions plus politiques :

 - Il rappelle (N°108) que l’Europe est promotrice de valeurs universelles ce qui est particulièrement important après la chute du mur (1989) : droits de l’Homme, dignité de la personne, importance pour l’action de la raison  plutôt que de l’émotion, une organisation qui respecte la liberté, la démocratie, l’état de droit, la séparation des plans politiques et religieux.
 - Il évoque les questions des migrants (N°111) en regard de l’histoire de l’Europe, terre traditionnelle d’accueil.
 - Il l’invite à prendre toute sa part dans la mondialisation de la Solidarité (N°112)
 - Il évoque même (N°113) la construction de l’Union Européenne et ses institutions en invitant à promouvoir une unité au service de l’Homme.

Quant à François, Américain du Sud (et même s’il n’est pas pressé de venir en France….), il s’est exprimé cinq fois sur l’Europe : à Strasbourg (2015) devant le Parlement Européen de l’Union Européenne puis  devant le Conseil de l’Europe de l’OCDE ; lors de sa réception du prix Charlemagne à Aix le Chapelle (2016) ; lors de sa rencontre au Vatican des chefs d’Etats de l’UE pour le soixantième anniversaire du traité de Rome, fondateur (2017), puis au Vatican  au colloque de la COMECE (2017) qui a donné lieu au document « Repenser l’Europe » qui propose ce qui peut être la contribution spécifique des Chrétiens :

Rappeler que l’Union concerne des personnes et non des chiffres.
Reconnaitre l’autre comme personne et inviter à faire communauté
Appeler l’UE à être un lieu de dialogue intra communautaire et extra communautaire ; la recherche du dialogue doit être la base du politique (et non la revendication) pour la recherche du bien commun (voir par contre exemple l’attitude des partis populistes qui récriminent mais n’ont pas de programme !!!)
Bâtir une Union inclusive
L’Union doit manifester sa solidarité tant en elle-même qu’au niveau mondial
L’Union doit être source de développement en interne et au niveau mondial en promouvant un développement « de tout l’Homme et de tous les Hommes » !

 

Quel rôle pour la COMECE à Bruxelles ?

L’Eglise a toujours été intéressée par l’Europe. Ainsi un nonce a été nommé auprès de la CEE puis de l’UE pour attester qu’elle considère que l’organisation européenne n’est pas qu’un rassemblement, mais est bien une entité. La COMECE (Commission des Episcopats de la CEE) a gardé son nom lors du changement d’organisation  européenne. Chaque état membre est représenté par un évêque. L’ensemble se réunit deux fois par an en présence de hauts responsables des institutions européennes qui sont invitées. Elle a un statut officiel (art 17 du traité de Rome) qui lui permet des rencontres avec les institutions européennes dans un « dialogue ouvert, transparent et régulier». De plus trois commissions ont été créées : Juridique, Relations Extérieures, Sociale.

Cette commission sociale, présidée par le Père Hérouard, réunit des experts laïcs deux fois par an pour faire un tour d’horizon des questions sociales et pour étudier et commenter les projets européens.

Au quotidien, les permanents ont le contact avec la commission et le parlement pour connaitre les projets en cours et à venir et faire connaitre les positions de l’Eglise et proposer des amendements aux textes en cours d’élaboration en s’appuyant sur l’enseignement social de l’Eglise. Ainsi en est-il sur un travail en cours sur le travail en Europe dans la période actuelle où tout se digitalise, ce qui change les emplois et risque de marginaliser une partie significative de la population. Ou encore l’évolution du type de travail qui semble se  précariser en particulier pour les plus jeunes. De même les questions posées par l’envahissement de toute la vie par le travail s’appuyant sur les outils de communication en veille permanente…

Ces travaux ont abouti à un document transmis à la commission, aux parlementaires européens au CESE européen… Inspiré par l’objectif qu’un travail décent  doit permettre de vivre, qu’il doit être durable écologiquement et participatif (principe de subsidiarité), il présente dix sept préconisations. Le blocage ressenti par les citoyens sur ces questions est lié au mode de prise de décision qui nécessite souvent l’unanimité, alors que les avancées sociales ne sont pas partout les mêmes en particulier entre l’Est  et l’Ouest.

On notera cependant que les choses avancent par exemple par les décisions suivantes :

- Une durée minimale du congé parental dans  l’Union, chaque pays fixant sa norme
- Un salaire minimum dans l’Union, chaque pays fixant sa norme
- Un congé de paternité de dix jours minimum
- Une autorisation d’absence d’un minimum de cinq jours par an pour accompagner les parents âgés

Tous les documents cités sont sur Internet                Gaston Vandecandelaere (01/04/2019)