L’économique et le social peuvent-ils se rencontrer ? Un nouveau regard… — Doyenné Haubourdin Weppes

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L’économique et le social peuvent-ils se rencontrer ? Un nouveau regard…

Compte rendu de la rencontre avec Nicolas Cordier qui s’est déroulée à BEAUCAMPS le11 mars 2015

Cette conférence est dans la suite des rencontres organisée sur l’Espérance : est-elle encore possible dans notre société inquiète, pessimiste, désenchantée. Alors que les messages de guerre, de crise économique et sociale encombrent nos média, peut on encore discerner des signes d’Espérance (voir la conférence du Père Ulrich sur « l’Espérance ne déçoit pas ») ?

Nicolas cordier est cadre chez Leroy Merlin, intrapreneur en économie sociale dans cette grande enseigne de produits pour la maison. Animé par une volonté d’agir pour une croissance plus responsable et plus durable, il croit en l’économie de demain et, pour nous convaincre, il nous présente des expériences (dont les siennes) dans le domaine de «  l’économie sociale ».

A priori, on est incrédule à propos de la RSE( responsabilité sociale de l’entreprise), car la mission  de l’entreprise c’est la création de valeur. Alors, pour se donner bonne conscience (ou faire du marketing…), à la périphérie, le patron tiendra un discours et mènera quelques actions dans le sens de l’écologie, de la durabilité et d’une « mission sociale » de l’entreprise….

Et pourtant, cinq ruptures de civilisation incitent à voir autrement :

1 – Le discours écologique et la réalité de notre situation : la raréfaction des ressources tant en matières premières qu’en terres arables, la qualité de l’air et de l’eau, les déchets, le climat, imposent des changements d’attitudes et l’on voit apparaitre le slogan « Faire Plus avec Moins » qui débouche sur l’économie circulaire (valorisation des déchets), l’ « innovation frugale »,…

2 – Les technologies numériques. On estime que 80 milliards de mails sont échangés chaque jour et que chacun reçoit en un jour une quantité d’information  que ses parents recevaient en un mois…     On parle d’ « infobésité » ! Nous sommes connectés en permanence, même chez le médecin, pouvant ainsi contester son diagnostic et son traitement. Et les objets connectés arrivent ! L’Homme est-il encore au centre de la vie ?

3 – Les modes de production et de consommation. Nous passons d’une logique d’achat et de prix à une logique d’usage : chercher un service plutôt qu’un bien, louer plutôt qu’acheter.

4 – Passage du pyramidal au réseau. Les organisations changent  et donc le management doit s’adapter  car l’exercice de l’autorité  change de nature :  une organisation hiérarchique se dirige, un réseau s’anime.

5 – Changement de paradigme ou de philosophie : Why génération ou génération Y car en anglais why veut dire pourquoi ou la lettre Y. Les générations montantes sont plus intéressées par le « Pourquoi » plutôt que par le « Comment ».

               Ces changements ouvrent de nouvelles perspectives qui favorisent l’économie sociale alors même que cette expression peut sembler contradictoire : l’économie c’est du sérieux, du travail, du profit alors que le social c’est pour le soir et le week end, après « le turbin » ! Il faut donc s’affranchir de cette ambiance pour réconcilier l’économique et le social et, pour cela, réintroduire le sens.

               Nicolas Cordier nous présente des réalisations très innovantes en économie sociale et cela dans des très grandes entreprises. A commencer par une rencontre entre Franck Riboud (Danone) et Muhammad Yunus (inventeur du microcrédit) qui décident ensemble que Danone mettra sur le marché au Bengladesh un yaourt vitaminé à 3 centimes ! Ce défi sera relevé par la société qui voudra simplement que ce département soit durable, c'est-à-dire pérenne ! L’évaluation n’est pas d’abord financière, mais est faite par la mesure d’un effet sur la santé des enfants. De plus, l’équipe technique de Danone a inventé des méthodes nouvelles et s’est enthousiasmée sur ce projet ce qui est une vraie plu value pour l’entreprise.

               Il nous présente ensuite son expérience chez Leroy Merlin. Emmaüs œuvre pour le relogement de personnes marginalisées. L’association cherche pour cela à donner aux intéressés un logement intermédiaire avant qu’ils puissent avoir accès aux logements sociaux. Pour les aider, des ateliers de 11 séances de préparation au relogement sont mis en place. Trois de ces séances de formation sont dédiées au bricolage. Par accord avec Emmaüs, ces ateliers sont encadrés par des salariés de Leroy Merlin. La formation est donnée dans un magasin, ce qui est déjà une reprise de contact avec « le monde ». Un diplôme leur est remis, ce qui est un plus pour un bailleur social car il est signe que l’intéressé sait entretenir son logement. Et en plus, les salariés de Leroy Merlin se sont formés à un nouveau type de relation client. Dans un autre secteur d’activité, Leroy Merlin se « débarrasse » se ses sur-stocks en les vendant à vil prix à des soldeurs. La décision est prise de les donner à « l’agence du don en nature », association qui s’est donné pour mission de récupérer les invendus pour les distribuer aux associations caritatives. C’est ainsi que 22300 produits sont donnés qui arrivent dans 180 associations. Les bénéficiaires acquièrent ainsi pour presque rien ce qui leur sera nécessaire pour équiper leur logement loué évidemment nu. De plus l’entreprise s’évite une concurrence par les soldeurs et bénéficie d’un avantage fiscal. Dans la même perspective que la formation des personnes marginalisées, Leroy Merlin a créé des ateliers de formation dans les quartiers sensibles en étant aidé par les volontaires du service civique et en utilisant à nouveau ses salariés. L’expérience montre que les bénéficiaires de ces formations s’approprient ainsi leur logement et retrouvent une dynamique d’insertion.

               De la réalité de l’économie sociale, telle quelle est aujourd’hui, Nicolas Cordier tire quelques remarques générales :

Innover dans ce domaine amène l’entreprise et ses membres à changer le regard sur le marché et donc sur le mode d’exercice du métier.

La situation des entreprises n’est pas toujours faciles sur ces questions : celles qui ne font rien pour la RSE sont vues comme autistes, mais celles qui s’engage dans l’économie sociale sont moquées…. !

Pourtant la demande des jeunes générations change : on voit des enseignements sur l’économie sociale dans les plus grandes écoles de commerce, en France comme aux Etats Unis.

Une thèse a été réalisée sur « l’effet du yaourt à trois centimes au Bengladesh sur l’entreprise Danone ». Il s’agit donc de voir l’effet de l’économie sociale sur le cœur de métier de l’entreprise.

Le numéro de l’Express-Réussir de septembre-octobre 2014 lui est entièrement consacré.

Une coordination despersonnes engagées dans l’économie sociale rassemble 60 organisations.

 

Qu’est ce que ça change dans le management de l’entreprise et dans l’attitude des salariés ?

Un sondage Gallup a été réalisé dans les entreprises dans plusieurs pays. Pour la France, il apparait que les salariés engagés dans l’entreprise représentent 11% de l’effectif, ceux qui sont activement désengagés 28% et ceux qui sont désengagés 61%. Ces chiffres sont à peu près les même partout. Pourquoi en est-on arrivé là ? C’est évidemment une question de management centré sur la performance à court terme que les dirigeants espèrent obtenir par la contrainte et le contrôle. Cela est particulièrement marqué par la non prise en compte de toute modification proposée dans l’entreprise. Or le désengagement des salariés a un coût estimé à 350 milliard de dollars !!! Certains estiment que le « présentéisme » inefficace coûte deux fois plus que l’absentéisme. Pour changer la donne, il faut avoir une « présomption de confiance » dans les personnes.

                                            Liberté+responsabilité=bonheur+performance !

C’est ainsi qu’est née l’idée de l’entreprise libérée antithèse de l’entreprise taylorienne dans laquelle on paye la force des exécutants. Lors de son départ en retraite, un salarié a dit à son patron : « pendant 30 ans vous avez payé mes bras, pour le même prix vous auriez pu avoir ma tête ! »

               Notre orateur nous dit que bien des entreprises évoluent dans ce sens. Ainsi FAVI, entreprise de nettoyage de 400 personnes et qui fait confiance à son personnel car la confiance rapporte toujours plus que le contrôle ! Ou encore le Service  Belge de la Sécu qui a embauché une nouvelle directrice du personnel qui considère que H de DRH veut dire rendre HEUREUX…. En quelques années l’absentéisme a été divisé par six et les maladies par deux !

               Les adages sur lesquels ces entreprises libérées fondent leurs méthodes de management peuvent se résumer dans les cinq points suivants :

                     Ne cherchez pas à motiver : ayez confiance !

                     Ne pensez pas pour eux : laissez les penser !

                     Ne cherchez pas à « manager » : aimez !

                     Ne travaillez pas : prenez du plaisir !

                     Ne vous plaignez pas : innovez !

 

Cela peut sembler angélique, pour un monde parfait…, mais ça marche. Mais cela ne peut s’enclencher que si on revalorise le travail au détriment des finances…..

 

                                                                         Gaston Vandecandelaere (18/03/2015)